Le xénope lisse, une grenouille d’Afrique du Sud, pullule dans les mares thouarsaises. Ce super prédateur provoque de gros dégâts sur la biodiversité locale. Or, le programme européen de régulation se termine l’an prochain.
Il y a plus de quarante ans, le xénope lisse servait de test de grossesse : on mettait un xénope femelle dans l’urine d’une femme, si cela déclenchait la ponte chez la grenouille, cela signifiait que la personne était enceinte.
Un laboratoire à Bouillé-Saint-Paul les importait d’Afrique du Sud, les élevait et les étudiait. À la fermeture de l’établissement dans les années 1980, les spécimens ont été relâchés accidentellement dans la nature. Dans les années 2000, on s’est rendu compte de la surpopulation, explique Maud Lardon, coordinatrice technique à la communauté de communes du Thouarsais. Le temps de faire des études et de commencer les actions, l’espèce s’était répandue.
Une grenouille dangereuse pour les autres espèces
En Thouarsais, il y en a partout. Et cette grenouille a tous les défauts, résume la technicienne. Elle se reproduit deux à trois fois par an, avec jusqu’à 2 500 œufs par femelle. Le xénope est un super prédateur, c’est-à-dire qu’il se nourrit des insectes, mais aussi des larves de tritons et de grenouilles. De plus, il est porteur sain de maladies comme le chytridiomycose, un champignon qui détruit la peau des amphibiens. On peut repérer les xénopes lorsqu’ils viennent respirer à la surface des mares. Ils ne sautent pas, mesurent jusqu’à 13 cm, et ont une peau lisse et glissante.
Tous les ans, des particuliers les trouvent dans leur jardin, alerte Maud Lardon. Et les bassins des stations d’épuration sont de véritables pouponnières à xénopes, qui peuvent abriter plus de 10 000 individus. Ces plans d’eau sont riches en matières organiques et l’eau est chaude, des conditions qui conviennent parfaitement au xénope. C’est pourquoi ils sont confinés depuis 2018 par des barrières et des pièges.
Une autorisation préfectorale On est en partenariat avec une quarantaine de bénévoles piégeurs. Attention, les amphibiens sont protégés, il faut une autorisation préfectorale pour les manipuler, prévient Maud Lardon. Les personnes intéressées sollicitent la technicienne, elle les forme et les inscrit auprès de la DDT (Direction départementale des territoires). Je leur fournis les nasses, les croquettes qui servent d’appât et un carnet de piégeage pour les aider à repérer la grenouille et noter leurs résultats. Puis ils me contactent lorsqu’ils en ont suffisamment pour que je les récupère.
Fin du programme européen Life Croaa
Le programme européen Life Croaa, d’une durée de six ans (2016-2022), s’arrête en août 2022. C’est donc la dernière année de piégeage des xénopes pour Maud Lardon et Axel Martin, dont les postes sont financés respectivement à 80 % et 100 % par l’Union européenne. Le programme doit permettre d’identifier une stratégie de lutte contre le xénope lisse, afin de contenir l’espèce et éviter qu’elle envahisse le territoire, explique Maud Lardon. Nous savons désormais que nous n’arriverons pas à l’éradiquer, et le piégeage prend fin l’année prochaine. Nous devons donc faire le bilan de nos actions et à partir de toutes les données récoltées, établir une stratégie.
C’est pourquoi ces années de piégeage ont servi aux techniciens du Thouarsais, en coordination avec le chercheur Jean Secondi de l’Université d’Angers, à étudier les xénopes et améliorer l’efficacité des pièges. Ils ont testé des nasses à poissons, des bourriches flottantes, et commandent cette année des filets parapluie avec six entrées, qui couvrent plus de surface. Nous mettons des croquettes pour chien comme appât, et cette année nous allons essayer d’utiliser une femelle pour attirer ses congénères, détaille Maud Lardon. Ils évaluent les résultats selon la température, les phases de la lune, la pluviométrie.
La quantité de xénopes piégés a augmenté cette année : 5 200 xénopes capturés en 2020, malgré les deux mois de confinement pendant lesquels les pièges n’ont pas été relevés, contre 3500 en 2019.
Les piégeurs demandent l’accès aux mares privées
Les piégeurs de grenouille de la communauté de communes interviennent sur une quarantaine de mares au sud de Thouars, qui se situent presque toutes sur des terrains privés. On ne peut pas intervenir dans toutes les mares du territoire, car encore l’année dernière, cinq ou six personnes ont refusé de nous donner l’accès, précise Axel Martin, technicien piégeur, qui se rend tous les matins sur les parcelles autorisées pour relever les pièges. Je peux comprendre que si la mare se trouve dans leur jardin, ils n’ont pas envie de me voir venir toutes les semaines. Mais notre métier représente une vraie aide pour la biodiversité de leur parcelle : beaucoup de propriétaires m’ont dit qu’après le piégeage, ils ont vu revenir les grenouilles locales.
D’autres plans d’eau sont situés au milieu des champs. Celles-là, je ne peux pas m’y rendre les jours où les vaches sont au champ, sourit le technicien. Elles sont curieuses et les taureaux parfois agressifs envers un étranger. Alors je reviens plus tard. Les mares dans lesquelles les piégeurs ne peuvent intervenir servent de refuge aux xénopes et leur permettent de se multiplier.
Sortie découverte des grenouilles
Les techniciens du service biodiversité proposent une sortie nocturne à la rencontre des amphibiens des Deux-Sèvres. Équipés de lampes torches et de bottes, ils emmèneront les visiteurs sur quelques mares privilégiées, où pourront être observées des espèces protégées de grenouilles et de tritons. Rendez-vous mercredi 21 avril à 19 h 30, au 7, rue Anne-Desrays à Thouars, pour une projection avant de partir sur le terrain.
Gratuit, réservation auprès de Maud Lardon, tél. 05 49 66 42 18, 06 31 59 91 80 ; maud.lardon@thouars-communaute.fr