La tradition déconseille toute plantation avant la mi-mai. En ce printemps 2021, les météorologues et les horticulteurs lui donnent toujours raison.
Pauvres Mamert, Pancrace et autres Servais : non contents d’être devenus surannés, leurs prénoms ont été éjectés du calendrier, relégués au rang de « saints locaux », au profit d’Estelle, Achille et Rolande.
Ils restent toutefois bien présents, en tout cas sous leur nom générique de « Saints de glace », dans la tradition des jardiniers, qui déconseille toute plantation avant la fin de la période de trois jours qui court du 11 au 13 mai (1).
Comme souvent, mais pas toujours, la tradition populaire est corroborée par les données scientifiques. « Ces dates correspondent à une possibilité de gelées tardives, confirme Luc Bonnet, de Météo France Poitiers. Le record pour un mois de mai dans la Vienne remonte au 1er mai 1947, avec un moins 2,7 °C. Le dicton des Saints de glace est donc relativement pertinent, même si les gelées sont loin d’être systématiques. »
Après la modernisation du calendrier, la pérennité des Saints de glace est-elle menacée par le réchauffement climatique ? Luc Bonnet n’en croit rien : « Le réchauffement global n’empêche pas les épisodes de froid. Le conseil reste toujours valable. »
Associer fleurs et légumes pour attirer les insectes pollinisateurs
Côté jardiniers, en tout cas, on n’est pas près de renoncer à ce bon vieux repère météorologique. Restaurateur à l’Auberge de la Cour d’Hénon, à Cissé, Hubert Varvoux est aussi un éminent jardinier : quand son établissement est ouvert, ce qui ne saurait tarder, il se fait un plaisir de servir à ses clients les produits entre autres de ses trois jardins.
« Il faut respecter les saisons », plaide le jardinier-cuisinier de Cissé qui garde ses plants sous abri jusqu’à la mi-mai. « Essayer de gagner du temps n’est pas la bonne solution. La nature, on n’arrive jamais à la domestiquer », estime-t-il.
Ses conseils, notamment pour les « frileuses » (tomates, mais aussi aubergines, piments, poivrons et les cucurbitacées) : lorsqu’on achète ses plants, ne pas se précipiter forcément sur les plus grands, qui auront souvent plus de mal à s’installer en pleine terre que des plants plus modestes.
« On peut profiter des quelques jours d’ici la mi-mai pour changer les plants de godets, pour des godets un peu plus grands, dans lesquels leurs racines pourront continuer de s’épanouir avant d’être installés en pleine terre. » Gare au soleil matinal Il faut conserver les plants dans un endroit bien éclairé. Si on en a la patience, on peut dès qu’il fait un peu plus chaud, les sortir pour les rentrer au soir.
Dans son jardin de Champigny, Hubert Varvoux a pris le pari de plants stockés en extérieur mais orientés plein ouest, à l’abri du vent du nord mais aussi du soleil matinal qui grille les bourgeons. Si tout se passe bien, ces plants seront plus robustes mais leur production un peu plus tardive, ce qui peut avoir ses avantages.
Une fois les plants en terre, on peut, conseille notre jardinier, se prémunir contre les petites gelées de fin mai en paillant la terre autour du plant ou en protégeant les tiges à l’aide de deux tuiles appuyées l’une sur l’autre, qui laissent passer l’air et la lumière tout en coupant le vent. Marier fleurs et légumes Voilà, il ne vous restera plus alors qu’à regarder grossir vos tomates et vos aubergines. Dans la foulée de leur plantation, vous pourrez vous mettre à semer les premiers haricots : « C’est une plante qui n’aime pas le froid, rappelle Hubert Varvoux. Moi j’attends après la mi-mai une journée où il fait bien chaud. » (2)
Dernier conseil du jardinier de Cissé : n’hésitez pas à faire cohabiter vos légumes avec des fleurs, qui attireront les insectes pollinisateurs. Vous joindrez ainsi l’utile à l’agréable.
(1) Certaines provinces particulièrement exposées aux froids printaniers associent aux Saints de glace d’autres saints, plus tardifs, notamment saint Urbain, dont la fête tombe le 25 mai.
(2) Hubert Varvoux est également un grand adepte des calendriers lunaires (en vente dans toutes les bonnes jardineries) pour décider par-delà la météo du meilleur jour pour semer ou planter.