La prise en compte de l’enjeu climatique et du risque incendie figurent parmi les priorités de l’Office national des forêts (ONF). Le mélange des essences sera favorisé à travers des îlots d’avenir.
Elles ne constituent pas uniquement un refuge pour de longues promenades solitaires ou en famille. Les forêts sont aussi un patrimoine vivant dont la gestion répond à différents enjeux non seulement environnementaux, mais également économiques.
En Deux-Sèvres, un peu plus de 9 000 hectares boisés sont ainsi gérés par l’Office national des forêts, établissement qui est l’interlocuteur de divers propriétaires (l’État pour celles dites domaniales, des collectivités territoriales voire des communes). Près de la moitié de cette surface est couverte par la forêt domaniale de Chizé.
« L’ONF a beaucoup appris des différentes tempêtes, entre 1999 et 2009 »
Ce regard transversal sur ce patrimoine est confié à l’agence territoriale Poitou-Charentes, dirigée depuis le 3 mai dernier par Antoine Bled. Ce dernier a déjà établi ses axes prioritaires.
"Il va falloir appuyer, insister sur les évolutions liées au changement climatique et sur les risques incendie" qui sont a priori plus réduits localement qu’ailleurs en France "même s’il faut tenir compte des alertes de l’été dernier", précise-t-il.
À l’échelle du Poitou-Charentes, l’ONF s’appuie sur une équipe d’une trentaine de personnes qui travaillent aujourd’hui à façonner le patrimoine de demain. "Il y a un vrai sujet sur les chênes pédonculé et sessile", insiste Antoine Bled, qui prône une politique du cas par cas pour ces deux essences prépondérantes à l’échelle de son territoire, avec le châtaignier et le pin. "On favorise de manière locale celle qui est la plus adaptée", résume-t-il.
Plus généralement, "la diversification des essences est un gros enjeu pour éviter les risques sanitaires". L’exemple des scolytes, coléoptères ravageurs de forêts résineuses, invite "à la vigilance" sachant que les "flux sont internationaux." D’autres parasites ont des effets dévastateurs sur l’olivier ou encore le cèdre voire le pin, avec un phénomène notamment constaté au Portugal. "Mais les forêts de Poitou-Charentes ne sont pas menacées. La diversité est déjà installée."
Ce travail de veille est doublé d’une volonté d’anticipation, à travers des îlots d’avenir. "Nous disposons d’un département Recherche et développement qui permet de tester l’adaptation de certaines espèces que l’on souhaite introduire dans des secteurs identifiés. Nous travaillons à des projets dans ce domaine, en Deux-Sèvres et en Vienne, permettant d’anticiper le réchauffement climatique. Il s’agit de mieux accompagner les essences de demain." Celles-ci restent pour l’heure confidentielles et devront se conformer "aux règles des documents d’aménagement"
L’adaptation, c’est aussi tirer les enseignements de catastrophes passées. "L’ONF a beaucoup appris des différentes tempêtes, entre 1999 et 2009. Les forestiers se sont rendu compte que la régénération naturelle assistée était une excellente solution de gestion des forêts. Elle donne de meilleurs résultats qu’avec des plantations disons artificielles. Nous sommes très observateurs de leur résilience", ajoute Antoine Bled. "Auparavant, le schéma reposait sur une futaie régulière. Tous les arbres avaient le même âge. La tendance est d’apporter là aussi de la diversité, pour favoriser la rotation mais aussi parce que c’est écologiquement bénéfique." [65000 m³ de bois issus des forêts de Poitou-Charentes sont commercialisés chaque année.]
La ressource bois est précieuse, à tous points de vue. Avec 65 000 m3 de bois commercialisés chaque année, l’ONF approvisionne une filière locale forte de plus de 18 800 emplois à l’échelle du Poitou-Charentes. "Face aux Landes ou à l’est de la France, c’est évidemment peu" mais les forêts picto-charentaises fournissent "un bois de qualité. Le chêne de tonnellerie a permis d’établir un lien direct avec les producteurs de cognac, qui recherchent un grain particulier auquel nous pouvons répondre. Ce ne sont pas forcément de gros volumes, mais ce sont des produits d’exception."
À savoir : des passerelles avec les privés
L’ONF gère près de 9000 hectares en Deux-Sèvres. | INFOGRAPHIE CO
En France, les forêts publiques représentent environ 30 % de la surface boisée. "Le poids de l’ONF est limité, sauf que nous disposons des lieux les plus vastes, ce qui permet de mettre en place une gestion adaptée. L’ONF est très suivie dans ses pratiques mais s’inspire aussi de la gestion privée", explique Antoine Bled. "La frontière entre la forêt publique et privée ne doit pas exister sur des dossiers fondamentaux, comme le changement climatique ou le risque incendie." À l’échelle de son agence Poitou-Charentes, l’ONF investit 2,6 millions euros chaque année pour l’entretien des forêts, des infrastructures et équipement touristiques. Elle accueille les publics au sein des massifs forestiers, "avec l’idée de transmettre un patrimoine riche, fragile et durable".