Nicolas Chrzanowski a quitté son poste de responsable de laboratoire en chimie pharmaceutique dans le Nord pour le maraîchage bio en Deux-Sèvres.
Nicolas Chrzanowski est "un pur nordiste" : "Mon père et mes grands-parents sont polonais, ma mère est française", décrit-il. Après des études classiques, un bac généraliste, il fait un DUT de chimie. "Ensuite, j’ai tout de suite travaillé pour plusieurs entreprises, avant d’arriver dans la société où je suis resté pendant 22 ans comme technicien de laboratoire, puis responsable adjoint, puis responsable de laboratoire", raconte Nicolas Chrzanowski. Il s’agissait de chimie organique : l’entreprise produisait des principes actifs pour de grands groupes pharmaceutiques français et internationaux. Elle produisait également quelques molécules à haute valeur ajoutée pour les vendre. "Je m’occupais de la partie contrôle qualité : on contrôle en permanence les produits entrants, utilisés et sortants, explique Nicolas Chrzanowski. Il faut s’imaginer de très grosses cocottes-minute, et comme des recettes de cuisine sur lesquelles il ne faut absolument pas se tromper. Je m’occupais principalement de management, des plannings, d’achat de matériel, de la gestion du budget et des audits clients."
Envie d’agir pour le climat
Pourtant, il ne voue pas une passion à la chimie : "C’est une matière que j’aimais bien et j’ai eu une bonne note au bac. Et j’ai choisi une filière courte parce que je voulais surtout vite travailler." Il a toujours jardiné et aimé la nature. "Dès que j’ai eu un bout de terrain, j’ai fait un potager, sourit Nicolas Chrzanowski. J’apportais le surplus à mon voisin. J’ai commencé à faire attention à ce que je mangeais, ce qui m’a poussé à m’intéresser à l’environnement, aux problèmes de climat, et ça me donnait envie d’agir. Or mon travail ne me permettait pas d’agir dans ce sens."
Un jour, il prend rendez-vous chez un OPCO (opérateur de compétences), dépose un dossier de demande de formation longue et sollicite un an de congé de formation auprès de son employeur.
"J’avais 45 ans, et je sais qu’on va dire que c’est la crise de la quarantaine (rires). Avec le recul, je pense que ça couvait depuis longtemps, et j’avais de plus en plus envie de partir, confie-t-il. Avant on passait toute sa carrière dans une même entreprise, moi je ne le sentais pas comme ça. Beaucoup de gens changent d’activité à la retraite : avec ma compagne, on avait décidé de ne pas attendre d’être trop vieux pour le faire."
Devenir agriculteur
En 2017-2018, il suit onze mois de formation et de stages, en Brevet professionnel responsable d’exploitation agricole, option maraîchage biologique. "J’ai quitté mon entreprise un vendredi, mes collègues m’ont fait un pot de départ. J’ai eu l’impression de partir en retraite ! C’était le départ d’une nouvelle énergie."
Si le parcours est atypique, c’est que le confort de vie n’est plus le même lorsqu’on devient agriculteur. "C’est vrai que j’avais une situation confortable : des horaires de bureau, des vacances fixes, un salaire plus élevé que je sais que je ne retrouverai pas, reconnaît Nicolas Chrzanowski. Mais quand on s’intéresse à l’environnement, d’autres domaines viennent se lier : on se rend compte qu’on est dans une société artificielle, et je savais que ce que je quittais, je n’en avais pas vraiment besoin. Et surtout, j’ai l’envie d’être acteur d’une solution. Pour mes enfants et pour les générations futures."
Déménager dans les Deux-Sèvres
Dans le Nord, un terrain est cinq à six fois plus cher, ça n’était pas dans mon budget. "Ma femme est enseignante, elle a fait des demandes de mutation dans plusieurs départements qui nous intéressaient près de la côte Ouest, et elle l’a eue dans les Deux-Sèvres."
Après son déménagement, il ne connaissait personne, "alors j’ai travaillé en woofing, au marché j’ai demandé aux maraîchers de visiter leur ferme. En me faisant des contacts, j’ai été invité à une réunion sur la gestion de l’eau. Je suis arrivé en avance et j’ai rencontré l’organisateur, François. On s’est bien entendus, il m’a invité à visiter sa ferme. Avec Geoffroy et Sébastien, ils cherchaient un quatrième associé." Quelques jours plus tard, il revient à la ferme en tant que salarié. Au bout d’un an de parrainage, il rachètera dans quelques semaines des parts sociales à chacun pour devenir associé à part entière. "Je suis vraiment plus heureux, conclut Nicolas Chrzanowski. J’ai trouvé plus de sérénité et plus de choses qui me passionnent."
Des tests au Jardin des Ormeaux
La ferme de François, Geoffroy, Sébastien et Nicolas, le Jardin des Ormeaux, s’étend sur un peu moins de 4 ha, dont 5 000 m² de serres. Ils y font du maraîchage diversifié, font pousser une quarantaine de variétés de légumes (poireaux, navets, choux, patates, tomates, courges, etc.). "Ce qui me plaît, c’est qu’on discute, on lit beaucoup et on se challenge, affirme Nicolas Chrzanowski. Avec mes associés, on a la volonté de faire évoluer nos pratiques. Au moins sur nos parcelles, au lieu de dégrader la terre, on veut l’enrichir. Par exemple, on a un projet d’implantation de haies au milieu du champ pour lutter contre l’érosion causée par le vent et l’eau, qui engendre une perte des éléments de fertilisation au fil des années."
Les maraîchers font aussi des tests pour changer de paillage. "En bio, on passe énormément de temps à désherber, ce qui augmente le coût des légumes, explique le maraîcher. Pour éviter ça, on couvre le sol autour des semis, pour empêcher l’enherbement. Mais actuellement, il s’agit de paillage plastique, ce qui ne nous satisfait pas. Donc on fait des tests avec des couvertures végétales ou du paillage végétal. Les modifications vont être longues, car on ne connaît pas la solution, mais elles vont se faire. Et chaque année est différente."
Les quatre producteurs vendent leurs produits :
au marché de Thouars tous les vendredis matin devant les Halles,
le vendredi et le samedi matin au magasin de producteurs Pot’é Bio (potebio.fr), route de Thouars à Sainte-Radegonde, dont ils sont membres fondateurs,
et en AMAP aux Maligrettes à Thouars, les jeudis à partir de 18 h 30. Contact : 09 67 11 91 96.