A cause de la guerre en Ukraine, l’Union européenne a décidé de désanctuariser les zones agricoles au repos, appelées jachères. Certains agriculteurs deux-sévriens vont donc les exploiter, au grand dam des défenseurs de la biodiversité.
Il faut vraiment le vouloir pour se rendre sur les jachères - ces terres agricoles laissées temporairement sans cultures - de Jean-Baptiste Rasillard, agriculteur à Saint-Jacques-de-Thouars. Cernées par les bois, les parcelles sont situées au bout d’un petit chemin difficilement carrossable et légèrement encaissé. "Ici, le champ est comme ça depuis trois ans. Vu sa situation, ça serait difficile de l’exploiter avec les machines, en plus avec la forêt juste là…", embrasse du regard le céréalier vice-président de la FNSEA 79, devant un champ d’herbes vertes.
Pourtant cette année, il va en faire quelque chose : "Avec le froid, l’herbe n’a pas encore trop poussé mais on va faucher en juin, pour faire du fourrage." Il n’a d’habitude pas le droit d’exploiter ses quatre hectares de jachères classées comme surface d’intérêt écologique. La Politique agricole commune (PAC) européenne l’oblige à garder 5 % de ses 170 hectares de terres incultivées pour recevoir le paiement vert.
On va faucher en juin, pour le fourrage
Jean-Baptiste Rasillard, agriculteur à Saint-Jacques-de-Thouars
Mais guerre oblige, l’Union européenne a revu ses attentes écologiques à la baisse et a autorisé les agriculteurs à replanter ou faucher ces sols (hors jachères mellifères utiles aux abeilles), qui représentent 1.1 % de la surface agricole utile en France, soit 300.000 hectares, en gardant leurs subventions (80 euros par hectare en moyenne en 2021). La dérogation est effective depuis le 28 mars. "Dans ce contexte d’incertitudes et de tensions, la France engage la mobilisation des jachères afin d’accroître les productions", fait valoir le ministère de l’Agriculture. L’objectif déclaré est de sécuriser les approvisionnements en alimentation humaine et animale.
Une solution pas si évidente
La qualité des terres concernées ne permet cependant pas de planter partout, sans parler du fait que les plans pour le printemps avaient déjà été pensés. Raisons pour lesquelles, dans le département, beaucoup vont opter pour un simple fauchage de l’herbe en juin pour vendre le fourrage, "si ça peut rendre service à des éleveurs", propose Jean-Baptiste Rasillard - à défaut de broyer les parcelles, comme elles le sont environ tous les six mois pour éviter qu’elles ne deviennent de vraies friches.
Avec la hausse des prix des aliments pour bétail et de l’énergie, due en partie à la guerre en Ukraine, ils pourraient en avoir besoin, d’autant plus avec la sécheresse attendue de cette année, couplée au précédentes. "On attend tous de savoir combien d’eau il va tomber à la fin de la semaine", confirme Benoît Jaunet, éleveur de bovins et porte-parole de la Confédération paysanne dans les Deux-Sèvres.
Des vaches et de la biodiversité
Du fourrage, il n’en a pas besoin pour l’instant mais il a une autre idée : "Ce qu’il faudrait, tant qu’à utiliser ces jachères, c’est remettre des animaux dessus. Il y a beaucoup plus de biodiversité sous une vache que derrière un tracteur", défend-il. Avec son syndicat, il regrette surtout un nouveau coup dur porté au volet "vert" de la PAC, alors que l’utilisation des jachères ne permettra pas de réhausser sensiblement la production française à court terme selon certains experts.
A Saint-Jacques-de-Thouars, de toute façon, on envisage pas de faire pâturer des bêtes dans les terres dorénavant utilisables. "Il faudrait clotûrer, c’est compliqué à mettre en place", imagine le céréalier du coin. Il faudrait en plus faire venir du bétail de loin puisqu’il n’y en pas à proximité directe de sa ferme.