Quand le réseau Biodiversité pour les abeilles s’affole d’une mortalité inquiétante en sortie d’hiver, les apiculteurs deux-sévriens relativisent. Explications.
« Des niveaux de mortalité d’abeilles particulièrement inquiétants en sortie d’hiver », titre le réseau Biodiversité pour les abeilles dans un communiqué de presse adressé il y a quelques jours à la NR. Souhaitant ainsi « tirer la sonnette d’alarme » et redire l’importance d’avoir des colonies « bien soignées et bien alimentées », ce réseau assure que, « avec des mortalités d’hiver qui oscillent entre 5 et 90 % selon les exploitations, l’année 2022 démarre sous un ciel orageux ».
Cette mortalité concerne-t-elle aussi les cheptels des Deux-Sèvres ? Pas vraiment.
Apiculteur à Thorigné, Nicolas Girard, créateur avec Christelle Aubouin de la Miellerie de Titelle (600 ruches), constate que ce soi-disant séisme a épargné son exploitation. Des colonies, oui, il en a perdu pendant l’hiver (sur quelque 600 colonies rentrées à l’automne, il en a perdu une trentaine) mais pas de quoi l’inquiéter : « 5 %, franchement, c’est un taux de perte habituel », relativise-t-il.
Comment explique-t-il les chiffres alarmistes du réseau Biodiversité pour les abeilles ? Nicolas Girard pense que les statistiques sont ici faussées par les apiculteurs amateurs. « Beaucoup d’entre eux cèdent à une mode et s’imaginent que faire du miel n’est pas si compliqué. Ils se lancent sur un coup de tête mais sans formation, sans savoir conduire un rucher. À Noël, on leur offre une ruche parce qu’un jour ils ont dit qu’ils aimeraient bien faire leur propre miel, ils mettent un essaim dedans mais comme ils n’y connaissent absolument rien… »
Pas de réserve
« Une saison se prépare avant l’hivernage », rappelle François Chauveau, le président de l’Abeille des Deux-Sèvres (500 ruches autour d’Irais, dans le Thouarsais) qui sait qu’en certains endroits de l’Hexagone, la météo catastrophique de 2021 a compliqué la campagne : « un printemps précoce qui réveille les ruches très tôt suivie d’une sécheresse carabinée, un mois de juin très mouillé puis un été froid et insuffisamment ensoleillé qui a gardé les abeilles dans les ruches », énumère-t-il. « Dans ces conditions, les abeilles n’ont pas pu constituer des réserves de nourriture suffisantes pour tenir l’hiver. »
Et s’il a lui aussi constaté un faible taux de mortalité dans ses ruches en Deux-Sèvres, c’est, dit-il, grâce à une météo moins défavorable dans notre département, contrairement au Sud-Charente ou en Dordogne où il n’y a pas eu de récolte en 2021. Accessoirement, parce qu’il a posé du sirop de sucre dans ses ruches.
L’ennemi numéro un : le varroa
La mortalité des abeilles tiendrait donc à l’amateurisme de certains. Qui, par négligence ou ignorance, laisseraient se développer « l’ennemi numéro un des ruchers », à savoir le varroa, cet acarien rebelle qui parasite abeilles et larves.
« Quand les colonies sont faibles, elles se font piller par les ruches plus fortes, explique François Chauveau. Et c’est comme ça qu’elles ramassent la maladie en même temps que le reste ! » C’est d’ailleurs pourquoi il revendique, outre des formations régulières de tous les apiculteurs (1), « un plan national de prophylaxie contre le varroa » avec des suivis systématiques des ruchers, professionnels et amateurs, par les services de l’État : « Comme ça, tout le monde traiterait ! »
« On sait qu’il faut le traiter correctement, avec un produit bénéficiant d’une autorisation de mise sur le marché, et au bon moment, fin août ou début septembre, appuie Michel Bonneau (70 ruches du côté de Celles-sur-Belle). Le but est que les abeilles à naître fin septembre n’aient pas été impactées par le varroa, car ce sont elles qui assureront la pérennité de la colonie jusqu’au printemps. Sinon, on se retrouve avec des colonies où il y a moins d’abeilles, elles peuvent moins se réchauffer pendant l’hiver. Et on retrouve des ruches où il ne reste plus qu’une poignée d’abeilles survivantes avec des provisions qu’elles ont à peine touchées. »
80 % des pertes hivernales sont liées exclusivement au varrao, assure Nicolas Girard. « Et ce qui n’est pas lié au varroa est lié aux pratiques de l’apiculteur. »
(1) L’association l’Abeille des Deux-Sèvres anime cinq ruchers-écoles, une centaine d’amateurs y ont été formés en 2021.