Un institut d’agro-écologie a cartographié le recours aux produits phytosanitaires dans la France entière. Les Deux-Sèvres ne sont pas aussi touchées qu’ailleurs mais les taux restent préoccupants et, en creux, l’implantation du bio est insuffisante.
Que ce soit le Thouarsais, le Mellois ou la plaine niortaise, les Deux-Sèvres sont largement concernées par le problème des pesticides. Ces trois zones présentent des taux élevés de recours aux produits phytosanitaires pour les cultures, essentiellement de céréales, qui s’y trouvent. Contrairement au Bocage bressuirais et à la Gâtine, majoritairement semés de prairies.
À Thénezay, par exemple, à la frontière avec la Vienne et où on cultive majoritairement du blé tendre comme dans une grande partie de ces communes, il est de 4,36 "doses de produits phytosanitaires appliquées par hectare durant une campagne culturale". C’est le plus élevé du département, selon l’étude de Solagro, cabinet de conseil et d’ingénierie en agro-écologie, qui s’est appuyé sur des données du Registre parcellaire graphique et de l’Agence bio pour dresser cette carte.
La carte de Solagro pour les Deux-Sèvres. Plus c’est rouge, moins c’est bon.
"Ce que les agriculteurs font avec leur champ, ça n’est pas mon problème, réagit Lucien Jolivot, maire de la commune voisine de Doux, où 4,17 doses sont utilisées. Il n’y a qu’un terrain que la municipalité loue à un exploitant mais tant qu’il paye le loyer, il fait ce qu’il veut dessus." En effet, les maires peuvent seulement agir grâce à des contraintes écologiques glissées dans les conditions d’exploitation des baux ruraux, mais encore faut-il que la commune possède des terres.
Voir autant de pesticides dans une zone clé d’alimentation en eau, c’est préocuppant.
Nicolas Cotrel, directeur DSNE
Certains tombent pourtant mieux, comme Jean-Michel Beaudic, le maire de Sciecq. Sa commune d’une agglomération niortaise couverte de pesticides se distingue, comme une île bio au sein de terres exploitées très largement en "conventionnel". 1,52 dose seulement est utilisée sur chacun des 286 hectares de surface agricole utile (SAU) de la commune. Mieux, 51 % de ceux-ci sont en bio, une exception départementale où ce taux dépasse rarement les 20 %.
Un plan régional ambitieux
"On prétend être une des petites communes de France où il fait très bon vivre. Les nouveaux arrivants qui s’installent ici cherchent la tranquillité et ça les rassure quand on leur dit que l’agriculture est très bio", livre l’édile.
Les meilleurs chiffres bio du secteur donc, mais largement insuffisants encore rapportés aux objectifs régionaux. Le plan néo-aquitain Néo terra ambitionne de passer 80 % de SAU de la région en bio d’ici 2030. Particulièrement ambitieux quand on constate les retards pris au niveau national sur cette question. L’enjeu est aussi de pouvoir proposer au moins 20 % d’alimentation végétale bio aux Français en 2023. C’était seulement 4 % en 2021.
Menaces sur la santé et sur l’environnement
Les pesticides sont des perturbateurs endocriniens, responsables de nombreuses maladies comme les cancers, Alzheimer ou Parkinson.
Ils sont aussi responsables de pollution environnementale. "Voir autant de pesticides dans le secteur du Thouarsais alors que c’est une zone critique d’alimentation en eau du département, c’est préoccupant", s’inquiète Nicolas Cotrel, directeur de Deux-Sèvres Nature Environnement. Il pointe également l’effet délétère de ces produits sur les plantes messicoles, essentielles à la biodiversité.