Si les grandes surfaces ont vu déferler de véritables tsunamis de consommateurs au début du confinement, le magasin Biocoop, ouvert depuis tout juste deux ans par Laurent et Nathalie Turpin dans la zone de Super U, n’est pas en reste. La situation est cependant à nuancer.
En tant qu’acteur de la petite distribution, comment gérez-vous le risque sanitaire ?
Laurent Turpin :« Nous et notre employé sommes effectivement très exposés. Mais nous ne sommes pas plus inquiets que ça. Nous avons mis en place des règles pour cela se passe au mieux. Nous portons des masques, qui datent de 2005. Nous utilisons du gel hydroalcoolique, des désinfectants. Les balances, poignées, les anses de paniers et les tapis roulant des caisses sont désinfectés 40 ou 50 fois par matinée. Si beaucoup de clients arrivent en même temps, nous les faisons patienter dehors. »
Comment avez-vous vécu le rush vers les produits alimentaires ?
« Cette semaine il n’y a pas eu de problème mais jusqu’au mardi 24 mars, les gens se sont précipités. Il y a eu une véritable surconsommation de produits. Nous avons connu trois jours et demi assez stratosphériques. Habituellement, nous accueillons 130 clients par jour en moyenne. Là, nous avons dépassé le cap des 200. Puis il y a eu une décompression. Nous avons perdu 30 % de notre clientèle à partir du mercredi 25 mars. Un client sur trois ne vient plus, soit moins d’une centaine pas jour actuellement. En revanche, le panier est beaucoup plus fort. C’est passé du simple au double. Les gens essaient de se déplacer le moins possible et donc font davantage de réserves. »
Est-ce uniquement une clientèle habituée aux produits bio ?
« De nouvelles têtes sont arrivées. Nous avons récupéré des consommateurs qui n’étaient pas forcément les nôtres. Une petite partie n’est pas non plus habituée à consommer bio. Ce type de magasin présente un aspect plus sécurisant, avec peu de monde, plus compact et donc peu de temps de présence. Cette forme-là peut rassurer. »
C’est a priori bon pour les affaires…
« C’est un trompe-l’œil. Le chiffre d’affaires est supérieur mais sur des produits qui rapportent une marge beaucoup plus faible. Pour pouvoir répondre aux besoins essentiels, il a fallu mettre en suspens tout ce qui est de l’univers du bien-être, par exemple. Sur la longueur, je ne pense pas que nous serons gagnants. Sur les 11 000 produits que nous pouvons obtenir à l’échelle de la coopérative, nous en avons mis plus de 5 000 de côté… Il n’est pas possible de transporter toutes ces références car nous n’en avons pas les moyens humains. La coopérative enregistre 44 % de volumes supplémentaires en épicerie qu’il faut déjà satisfaire. Nous ne pouvons pas non plus compter sur l’ensemble de collaborateurs dont certains restent confinés. »
La Biocoop a ouvert il y a tout juste deux ans. Quel bilan en tirez-vous ?
« Nous avons d’abord eu un blocage social l’an dernier avec le mouvement des Gilets jaunes et aujourd’hui le coronavirus. Ce sont des choses qui étaient impossibles à prévoir. Cela fait beaucoup. Nous sommes encore là car nous avons beaucoup de volonté et croyons en ce que nous faisons. Notre bassin est très modeste, c’est un challenge. Notre clientèle est là, mais elle n’est pas suffisante. C’est à moyen et long terme que les choses vont s’installer. »