Ce sont de petites anecdotes qui ont mis la puce à l’oreille des associations : dans la Vienne, la propriétaire d’un gîte à chauves-souris qui enlève le panneau indiquant la présence de l’animal par peur de réactions négatives de riverains ; en Deux-Sèvres, des voisins qui menacent de suspendre un droit de passage menant à un abri à chiroptères, arguant un principe de précaution contre la transmission d’éventuels virus. Et puis, il y a cette question qui revient depuis quelques semaines : quel est le risque d’être contaminé au Covid-19 par une chauve-souris ?
« Les gens font des recherches sur internet et commencent à s’inquiéter »
« Avec tout ce qui s’est dit sur le lien entre le Covid-19 et la chauve-souris, les gens font des recherches sur internet, et ils se mettent à s’inquiéter », observe Alice Chéron, chargée d’études « faune sauvage » à Vienne Nature. « On a l’habitude d’être contacté pour des interrogations sur d’éventuels risques sanitaires, mais c’est plutôt par rapport à de potentielles nuisances comme les crottes ou l’urine de chauve-souris, rarement sur la contamination », renchérit Angèle Castets, chargée de mission « chiroptères » à Deux-Sèvres Nature Environnement.
Si les inquiétudes de la population restent verbales pour le moment, le coordinateur du groupe chiroptères de Poitou-Charentes, Maxime Leuchtmann, basé à Surgères, craint à moyen terme des atteintes physiques sur ces animaux protégés. Il appréhende notamment « le coup de balai sur une chauve-souris qui serait posée sur un clou derrière un volet », alors que ces mammifères volants commencent juste à sortir d’hibernation pour rejoindre leurs gîtes d’été, dans les greniers, les granges et les anfractuosités de bâtiments.
Prenant le sujet très aux sérieux, la Société française pour l’étude et la protection des mammifères (SFEPM) et la fédération des Conservatoires d’espaces naturels (CEN) sont en train d’achever la rédaction d’un document pédagogique à destination du grand public. L’objectif est de répondre aux interrogations récurrentes du public comme : « Est-ce que les chauves-souris d’Europe sont porteuses du Sars-Cov-2, à l’origine de la maladie Covid-19 ? » ; « Quels sont les risques de transmission de l’animal à l’Homme ? » ; « Et pour les animaux domestiques ? ».
Sur ce dernier point, Maxime Leuchtmann rassure tout de suite : « Le chat est le premier prédateur de la chauve-souris, il se fait souvent mordre ou griffer, et il n’y a jamais eu aucun cas de contamination à l’homme ». La barrière biologique entre les espèces reste suffisamment importante pour ne pas s’inquiéter outre mesure, rappelle le naturaliste. De plus, aucune souche de Sars-Cov-2 n’a pour l’instant été détectée chez les chauves-souris d’Europe.
Brochure bientôt disponible auprès des associations environnementales type Poitou-Charentes Nature.
Contacts en cas de découverte d’une chauve-souris blessée : angele.castets@dsne.org (Deux-Sèvres), alice.cheron@vienne-nature.fr (Vienne).
En France, la probabilité d’être contaminé par une chauve-souris est relativement faible. D’une part parce qu’on n’a pour l’instant trouvé aucune souche similaire au Sars-Cov-2 chez les chiroptères d’Europe. D’autre part parce que les différences entre leur organisme et le nôtre restent suffisamment importantes : jusqu’à présent, les maladies identifiées comme ayant pour origine une souche de virus portée par une chauve-souris, a toujours nécessité un ou plusieurs hôtes intermédiaires pour muter et devenir compatible avec l’homme.
Respirer la même atmosphère ne suffit pas
Par ailleurs, elles ont beau être des porteuses saines de nombreux autres virus, à l’instar des écureuils ou des souris, respirer la même atmosphère qu’elles ne suffit pas. « Pour risquer une contamination, il faut vraiment avoir un contact direct avec l’animal, avec ses viscères, son sang et autres sécrétions, c’est-à-dire la capture pour la tuer, la dépecer sans protection et la manger », explique Dominique Pontier, éco-épidémiologiste, professeure à l’université de Lyon 1 et partenaire de l’action « Veille sanitaire » du Plan national d’action en faveur des chiroptères en Nouvelle-Aquitaine. Une contamination est toujours possible par de l’urine tombée sur des fruits mais ni plus ni moins qu’avec celle d’un autre animal sauvage. Dans le doute, il suffit de les laver.
« Le mieux est de les laisser tranquilles »
Dans notre pays, la chauve-souris peut éventuellement transmettre la rage par morsure. « Ce qui implique de ne pas être vacciné, de la prendre à pleine main, sans précaution et sans gant », énumère la chercheuse. Aucun danger que la bête vienne à vous spontanément pour jouer les vampires : les chiroptères sont plutôt craintifs et détestent le bruit. « Le mieux est encore de les laisser tranquille », conclut Maxime Leuchtmann Et de leur permettre de s’adonner à une de leurs activités préférées qui nous arrange bien : la démoustication.