A 33 ans, Sarah (*) est dans la force de l’âge. Mais cette force a été sapée le 1er avril dernier par des symptômes atypiques du Covid-19 qui l’ont plongée dans un abîme de solitude, d’abandon et d’incertitudes dont elle n’est toujours pas sortie 55 jours plus tard.
« Tout a commencé le 1er avril, raconte cette Bressuiraise jusqu’à présent en bonne santé (si ce n’est un léger asthme), active et sportive. J’ai ressenti une forte oppression thoracique sans aucune fièvre ni toux. J’ai consulté mon médecin qui ne savait pas à quoi attribuer ces symptômes. Un soir, une semaine après, j’ai ressenti une sensation d’étouffement. » “ Mon médecin était démuni car l’on m’interdisait de passer un test ” En l’absence de son compagnon, la jeune femme compose le 15. « Le médecin que j’ai eu au téléphone a mis ces symptômes sur le compte d’une crise d’angoisse causée par le confinement. On a fait confiance mais les symptômes ont persisté. »
Depuis, cette oppression thoracique n’a jamais lâché Sarah. « Je ne compte plus le nombre de fois où j’ai consulté mon médecin ou appelé le 15. Lui m’a prise au sérieux mais le Samu met à chaque fois ces symptômes sur le compte de l’angoisse. Au centre hospitalier Nord-Deux-Sèvres, on m’a interdit de venir pour me faire tester afin d’éviter que j’attrape le Covid-19. » « Pendant un mois, on ne pouvait pas faire de test dans un laboratoire, on me refusait un test à l’hôpital et on m’a laissée seule avec mes symptômes, le stress, la solitude et la douleur, poursuit-elle. Mon médecin était aussi démuni parce que le protocole m’interdisait de passer un test.
On m’a bloqué l’accès à un diagnostic et des soins. »
Comptable en télétravail, Sarah ne bénéficie d’aucun arrêt maladie. Elle s’est mise à faire du sport chez elle ou de la marche pour lutter contre l’angoisse à laquelle on attribuait son état. « Mais les symptômes se sont aggravés. En cas de Covid-19, on doit se reposer et je faisais l’inverse. » Aux symptômes respiratoires, se sont ajoutés une paresthésie faciale (engourdissement du visage), une perte de vision à gauche, des picotements dans le bras et la main et une sensation d’étranglement.
Enfin, Sarah a pu passer un test PCR avec prélèvement nasal il y a trois semaines. Négatif. Elle a replongé dans ses incertitudes et son désarroi mais restait persuadée d’être atteinte du Covid-19. Et ce n’est que récemment qu’un test sérologique a confirmé qu’elle a été touchée par le coronavirus. « J’ai à nouveau appelé le 15 pour demander ce que je devais faire, si je devais signaler les personnes en contact avec moi, mais on m’a dit qu’il n’y a rien à faire. Heureusement que je suis restée strictement confinée même depuis le déconfinement. »
“ Si on n’est pas en détresse respiratoire, on ne nous écoute pas ”
Il semble que Sarah fasse partie de ces rares malades dont la maladie dure bien au-delà de la vingtaine de jours habituels. Sur les réseaux sociaux, des groupes #aprèsJ20, #aprèsJ50 et même #aprèsJ60 se sont créés et comptent plusieurs milliers de personnes dans le même cas. Tous ont en commun de ne pas entrer dans le tableau classique des symptômes et certains en sont à 70 jours de maladie. « Comme pour beaucoup d’entre eux, on a cherché chez moi des problèmes pulmonaires, inflammatoires… Je ne sais plus à combien de prises de sang j’en suis, toutes normales, comme mon scanner thoracique. Quand on demande un rendez-vous chez un spécialiste, les délais sont trop longs. On ne nous prend pas au sérieux. Si on n’est pas en détresse respiratoire ou en train de mourir, on ne nous écoute pas. »
Désormais, Sarah a enfin une certitude : elle est bien malade du Covid-19. Mais c’est la seule. Elle ne sait ni comment ni quand elle en sortira. « Les médias commencent à parler de nos cas. Notre espoir, c’est de faire bouger les choses pour les autres. Je vois trop de gens non masqués dans les commerces. Il ne faut pas minimiser le Covid-19. On n’en meurt pas toujours mais on en souffre parfois longtemps. »
(*) Prénom d’emprunt.